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Chronique | El Soci Opina | vendredi 22 mai 2009 à 21:01
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Pour sa deuxième saison au Barça, Touré Yaya le discret fait à peine plus parler de lui qu'après un premier exercice déjà impressionnant. Portrait footbalistique d'un joueur exceptionnellement précieux.
Une arrivée discrète…
Le théorème des quatre fantastiques a fait long feu. A l’arrivée de Thierry Henry, fraîchement débarqué d’Arsenal à l’été 2007, le monde du football a frémi à l’idée de voir quatre authentiques cracks animer l’attaque de ce qui promettait d’être un très très grand Barça. Las, une saison plus tard on s’est rendu compte que parmi les quatre pseudos fantastiques se cachaient pêle-mêle : un nouvel arrivant trop estampillé Premier League et trop empêtré dans un savoureux cocktail de problèmes privés, de manque de confiance en soi et de difficile remise en question; un authentique artiste trop vite blasé et manquant cruellement de professionnalisme pour se maintenir au firmament; un avant centre à moitié mis sur la sellette et digérant difficilement ses blessures ainsi que sa place au sein du groupe; et un vrai fantastique en possession de ses moyens, ne pouvant pas non plus porter tout le monde sur ses épaules.
…mais remarquée
Si l’on résume, hormis le cas précité de Messi, la saison des quatre fantastiques n’a finalement permis d’établir qu’une certitude quant à l’effectif et au fond de jeu du Barça : il venait de trouver son pivot défensif. A l’issue d’une saison qui a sonné la fin de l’ère Rijkaard, nombreux furent ceux à penser que Touré fut la seule révélation de ce remaniement d’effectif (en plus de Messi qui a également fait une grosse saison, mais, le concernant l’effet de surprise fut plus relatif). Dès sa première saison il s’est imposé à un poste pour lequel il semblait détenir toutes les qualités requises bien qu’il n’y ait jamais précisément évolué. En effet, à l’Olympiakos il était davantage chargé de l’animation du jeu, tout comme à Monaco où sa position de 10 lui fit faire des ravages dans les défenses de ligue 1. Positionné dès son arrivée comme pivot défensif au sein du système Rijkaard, il a tout de suite donné la pleine mesure de ses capacités à ce poste et, surtout, à ce niveau puisque le Barça est son premier gros club. On peut même aller jusqu’à dire qu’il a rehaussé le niveau du Barça 2007/2008, face à des joueurs tels que Deco ou Crosas qui ne furent pas une menace pour sa place de titulaire.
Nouvelle saison, nouvelle épreuve
L’arrivée de Pep modifia cependant un brin la donne. Conjuguée à celle de Keita et à un début de saison expérimental du Barça, elle fit office de remise en question pour Yaya : écarté de l’équipe titulaire sans pour autant avoir été l’auteur de performances particulièrement mauvaises, on était en droit de se demander quelles étaient les raisons de cette mise au banc.
Plusieurs de ses détracteurs mirent en avant son inadaptation au poste de pivot défensif ou encore le fait qu’il ralentisse le jeu de l’équipe. Il fut même à un moment donné question de savoir si Busquets n’était pas plus adapté à la philosophie de Pep, voire d’imaginer que Keita avait des capacités de percussion supérieures et une rigueur défensive au moins égale à celle de l’ivoirien. Cette idée perdura jusqu’au 19 octobre, où il fut titulaire contre Bilbao en l’absence de Xavi. Au match suivant, Pep le conserva comme titulaire, et son remplacement par Hleb, à l’heure de jeu alors que le Barça menait déjà sur le score de 5-0, reste de l’ordre de l’anecdote. Il conserva par la suite sa place de titulaire pour réaliser de grosses performances notamment lors du tourmalet face à Valence et au Real. Il ne fut dès lors plus question de contester le leadership de Touré au poste de pivot défensif.
Ce qu’on lui demande
Dans le système de jeu du Barça, le pivot défensif est chargé non seulement de phases prioritaires de déconstruction du jeu adverse, mais également de la relance, en tant que maillon de la chaîne, des nombreux ballons récupérés par lui-même ou par la défense. Pep n’exige pas de son pivot qu’il couvre une quantité phénoménale de terrain, notamment dans les phases de pressing, puisque les deux milieux relayeurs sont là pour faire le piston (il avait ainsi demandé à Touré, lors d’un match de ligue des champions de ne pas courir partout, mais bien de rester positionné dans l’axe).
Le rôle de construction qui lui est dévolu doit également être modéré dans le sens où les deux milieux relayeurs (hybrides 8/10) assument évidemment la majeure partie de cette tâche. Si l’on replace cette réflexion dans le contexte de l’effectif blaugrana, le fait que des joueurs tel que Xavi et Iniesta occupent les places de relayeurs ôte au pivot défensif une bonne partie de sa responsabilité en la matière. Cependant, au sein d’une équipe qui fait autant tourner le ballon, on remarque qu’il conserve une certaine importance dans la circulation de balle, d’autant plus qu’au sein du système Pep, la construction est l’affaire de tous. Les différents mouvements des attaquants et l’apport d’Henry pour ce qui concerne l’utilisation de la profondeur et des espaces place tous les joueurs dans la possibilité de délivrer une passe décisive.
Un profil tout terrain
Doué d’une condition physique irréprochable, si l’on s’en remet au nombre de matchs qu’il a disputé et au nombre de blessures qui l’ont frappé ces deux dernières saisons, Yaya possède également la puissance nécessaire tant pour permettre une récupération suffisamment musclée que pour assurer un volume de jeu plus que bienvenu dans l’entrejeu. Ce premier point est essentiel pour un pivot défensif, à fortiori quant il est secondé par des petits gabarits tels que Xavi et Iniesta, ou des joueurs ayant moins le souci de la récupération comme Keita ou du moins des capacités moindres dans ce domaine, style Gudjohnsen. Le second avantage du physique de Touré est qu’il lui confère un jeu de tête de premier ordre qui vient en partie combler les lacunes que la Barça éprouve à ce niveau.
Mais la réelle valeur ajoutée de Yaya au sein de l’effectif du Barça est qu’il est doué d’une technique, d’un sens de l’organisation et de la passe qui lui avaient permis d’assumer davantage le rôle d’un meneur de jeu dans ses précédents clubs. Ces capacités font qu’il intègre à merveille le système de Guardiola : grâce à lui le milieu de terrain se retrouve finalement doté de trois titulaires possédant des capacités de construction et d’orientation de tout premier choix.
Par ailleurs, elles lui permettent, combinées avec sa puissance physique, de se projeter vers l’avant et de percuter avec un dynamisme précieux. En témoignent les buts qu’il a déjà inscrit.
Si le total n’est pas non plus extraordinaire, il faut le relativiser en prenant en compte le fait qu’il évolue au sein d’une équipe possédant déjà des scoreurs redoutables. Marquer n’est pas son rôle et il est alors normal qu’il n’exprime son talent offensif qu’avec parcimonie. Son but contre Bilbao, qui a sonné le réveil blaugrana, montre que l’équipe peut compter sur lui en la matière. A ce sujet il faut également évoquer, pour le plaisir, sa qualité de frappe : il tire fort, très fort même, et généralement à bon escient. Qu’il existe un pivot capable, par une accélération bien verticale, d’éliminer un ou deux joueurs adverses pour ensuite placer une frappe puissante complète parfaitement les nombreuses possibilités offensives qu’offre ce FC Barcelone
Touré « the real deal » Yaya
La variété des surnoms dont a été affublé Yaya, le tigre, la pieuvre, la tour de contrôle, démontre bien que la principale caractéristique de ce joueur est qu’il est complet : à la fois besogneux et élégant, costaud et vertical, doué d’une frappe et d’une capacité d’élimination de premier plan ainsi que d’un jeu de tête salutaire ; il appartient à ce type de joueurs qui respire tellement le foot qu’il peut jouer sur plusieurs lignes : que ce soit milieu offensif, pivot défensif, voire même défenseur central. C’est d’ailleurs à ce poste qu’il risque de disputer le match le plus prestigieux de sa jeune carrière: la finale de la Ligue des Champions face à Manchester.
Quel bilan tirer de la présence de Yaya au Barça ? Ce côté complet et le relatif faible prix de son achat laissent la plupart penser qu’il est une très bonne affaire. A l’instar d’Evander Hollyfield on pourrait le surnommer Touré « the real deal » Yaya. Il semble de surcroît être un joueur posé, marié et père de famille, qui n’a pas le profil d’un dynamiteur de vestiaire. Les offres d’achat dont la rumeur se faisait l’écho à l’intersaison, parfois pour plus du double de son prix d’achat (on a parlé de 26 millions d’euros) ont démontré qu’un tel profil faisait bien des envieux. Le Barça ne laissera certainement pas partir une telle pièce maîtresse de son effectif pour un tel montant, ce serait même dommage de le laisser partir tout court car, hormis Essien, il existe peu de joueurs au profil similaire. Le comparer au grand Vieira des années Arsenal/Juve n’est pas exagéré, il en présente au moins le potentiel, mais Touré dégage une élégance encore supérieure par ses capacités techniques. Aux côtés de Pep, il pourrait bien gagner encore en intelligence de jeu, prendre plus de responsabilités au sein du groupe, et devenir un clone du maestro, avec une puissance physique supérieure parfaitement adaptée au football moderne.
Posté par tah
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