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Article | Luis Suarez | mercredi 9 mars 2016 à 17:48
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Si l'Uruguayen affole les statistiques avec le Barça, il faut comprendre que son apport au sein de l'équipe va bien au delà du quantifiable. Plus qu'un buteur, Luis est en perpétuel combat avec les autres, et avec lui même.
Jeudi dernier, après le match opposant le Rayo Vallecano et le FC Barcelone (victoire 5-1 des Catalans), les Blaugranas rentraient chez eux et les locaux respectaient la tradition en allant boire un verre sur l’Avenida de la Albufera, non loin de la Puente de Vallecas, au sud de Madrid. Une journée comme une autre, sauf pour Kiko Narváez, ancien international espagnol ayant notamment évolué à l’Atlético Madrid pendant 8 ans. Le désormais retraité, en train de manger un sandwich dans un bar de Vallecas, avait encore en tête le match qui s’était disputé quelques instants plus tôt au stade, et un joueur en particulier : Luis Suárez.
« Je n’ai jamais vu un attaquant jouer dos au but comme le faisait Kiko », avait une fois assuré Pep Guardiola, désormais technicien du Bayern Munich, au moment d’évoquer son coéquipier de sélection et adversaire en club. Vers minuit, Narváez, 43 ans, sortait son téléphone de sa poche et, avec quelques images et vidéos, retrouvait une certaine nostalgie au moment de louer la capacité de l’actuel numéro 9 du Barça à jouer dos au but, une qualité qui lui permet d’être bien plus qu’un attaquant de pointe au sein de l’équipe. Autrement dit, une référence qui en encense une autre. « C’est une machine », affirma simplement l’ex-Colchonero.
« Suarez, c’est bien plus que des buts », expliquait un jour Luis Enrique, l’actuel entraîneur du club catalan. De cette affirmation, l’on peut déduire certaines facettes du jeu de l’Uruguayen et l’adaptation de l’équipe qui en ressort. À Vallecas, ses coéquipiers ne l’ont pas simplement cherché pour conclure les actions. Au-delà de ce simple rôle de buteur, on jouait sur lui dans le but de sauter le premier rideau défensif du Rayo (très actif au pressing) et de contourner l’embouteillage du milieu de terrain, bien trop peuplé en raison de la volonté des deux équipes de ne pas rester regroupées dans leur camp. « Luis nous aide beaucoup », affirmèrent ses coéquipiers, tous d’accord sur l’importance du joueur dans le collectif catalan et défendant depuis longtemps le fait qu’El Pistolero ne se résume pas uniquement à des rires, des buts ou des maths. Pour lui, chaque match équivaut à une guerre. Une guerre sans merci où le moindre relâchement d’effort n’est pas permis. Luis court. Luis s’accroche. Luis provoque. Luis n’arrête jamais. Jamais dans la demi-mesure, tout le temps à 100 %. Qu’il marque ou pas, là n’est pas la question. Suarez est capable de presser violemment le gardien adverse à la 85ème minute de jeu alors que son équipe mène 5-0 sans que cela ne choque personne. Ses partenaires, à l’unanimité, sont admiratifs et reconnaissants pour son acharnement et son travail qui soulagent en partie les milieux de terrain.
Presque personne, y compris Suárez lui-même, ne semblait préoccupé par sa série de trois matchs sans marquer qui prit fin ce dimanche sur la pelouse d’Eibar. Sûrement parce qu’à l’heure actuelle, l’attaquant totalise 26 buts en 28 journées de Liga et 42 buts en 41 matchs, toutes compétitions confondues, ce qui lui donne un crédit illimité aux yeux de tous. Suárez a terminé trois des quatre derniers matchs de son équipe sans marquer et a en plus manqué deux penalties. Celui de Vallecas était le 7ème sur les 13 tentatives barcelonaises depuis le début du championnat. Mais pour Luis Enrique, la gravité de ces manqués, bien qu’elle soit réelle, n’est pas si catastrophique : « C’est le football et c’est ça qui est merveilleux : les meilleurs tireurs peuvent ne pas être à la hauteur de ce qu’ils devraient et ils sont les premiers conscients qu’ils doivent s’améliorer. Même si un penalty offre un avantage au tireur, les rater ne me préoccupe que relativement. Mais c’est évident que nous devons nous améliorer dans ce domaine et nous le savons ».
Aujourd’hui, Suárez est à un but de l’actuel Pichichi de la Liga, Cristiano Ronaldo. Hier, deux unités les séparaient suite au quadruplé inscrit par le Portugais face au Celta et l’écart s’est réduit après le match sur la pelouse d’Eibar. Mais, toujours selon Luis Enrique, l’importance des titres collectifs prime sur les buts. Au moment d’être interrogé à propos d’une éventuelle anxiété de l’Uruguayen sur cette situation, l’entraîneur du Barça a répondu de la plus belle des manières : « Ce que je vois, c’est que Luis est focalisé sur les titres et sur l’histoire qu’il est en train d’écrire avec le club. Il est intelligent et il sait que le reste viendra tout seul ».
À Barcelone, on se souvient de ce qui est arrivé à Samuel Eto’o durant les saisons 2004-2005 et 2008-2009. Le Camerounais, à la lutte avec Diego Forlán, était aveuglé par les buts et était resté quelques temps sans marquer. Mais pour Suárez, la situation est encore différente, comme le reconnait son capitaine Andres Iniesta : « C’est un attaquant. Il l’a toujours été et il le sera toujours. C’est donc normal qu’on l’évalue sur les buts qu’il marque, mais il nous offre beaucoup d’autres choses et il ne faut pas l’oublier. Les 41 buts qu’il a marqués représentent beaucoup, mais c’est peu comparé à tout son travail pour l’équipe ».
« Il nous apporte beaucoup de folie », admet de son côté Ivan Rakitic. Des propos qui coïncident avec ceux de Gerard Piqué qui, pour sa part, reconnait et vante sa capacité à jouer dans l’espace : « À cause de sa mobilité, il est très difficile à marquer pour un central. Il n’en a pas l’air, mais il traîne souvent près des défenseurs. Pour nous, c’est un avantage parce qu’on sait qu’on peut le trouver en jouant long, mais il peut aussi revenir dans le cœur du jeu, solliciter le jeu court et recevoir la balle d’un milieu. En fait, il est vraiment imprévisible ». Le défenseur catalan, comme tous les autres joueurs du Barça, est bien conscient que sur le terrain, Luis est un joueur d’instinct. Un style qui ne pardonne pas, qui n’est pas toujours très esthétique, qui comporte quelques déchets mais qui peut cependant solutionner des matchs compliqués. Un cadeau laissé par Andoni Zubizaretta, l’ex-directeur sportif du club.
Heureux au sein de son club, Luis Suárez est aussi sur le point de revenir avec la sélection uruguayenne. Le joueur a en effet été appelé par son sélectionneur Oscar Tabarez pour disputer les éliminatoires de la Coupe du monde 2018 à la fin du mois. L’Uruguay sera opposée au Brésil et au Pérou. Et pour s’en sortir, la sélection, au même titre que le Barça, aura besoin non pas d’un joueur, mais d’un guerrier.
Source: El Pais
Posté par Senox10
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