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En Une | Cruyff | vendredi 25 mars 2016 à 18:36
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Il est presque impossible d'imaginer une personne plus influente dans l'histoire du football que Johan Cruyff.
Il est presque impossible d'imaginer une figure plus importante dans le football que Johan Cruyff, Son héritage a commencé dans un pays du Nord, sans tradition footballistique et s’est étendu 50 ans plus tard dans le monde entier, principalement à Barcelone et ses environs, c’est-à-dire dans la sélection et le championnat espagnol.
Sa mort prive le jeu d'un esprit privilégié et oblique, transgressif et brillant, rusé et fier. C’est beaucoup plus qu'un homme qui s’en va. Il a marqué l'histoire en tant que joueur dans les années 70, avant de suivre un cycle presque identique comme entraîneur. Il a abandonné le banc en 1996, très jeune à l’âge de 49 ans. Cependant il a laissé une trace indélébile, en particulier au Barça, l'équipe qui arbore toujours fièrement le drapeau cruyffiste. Et à juste titre. Depuis 1991, année de la première Liga conquise avec Cruyff sur le banc, le Barça a remporté 13 championnats et cinq Ligue des Champions.
Orphelin de son père, Cruyff s’est plongé dans le foot à travers son second père, qui était chargé de surveiller les installations de De Meer, l’ancien stade de l’Ajax. Sa famille vivait à côté du terrain de cette équipe, qui était encore loin d’être une référence dans le football européen. Les Pays-Bas qui existaient sur la scène footballistique grâce à un grand joueur comme Fass Wilkes, idole de Cruyff, avaient un rôle anecdotique. Ils n’avaient joué aucun Mondial et leurs équipes ne captaient aucune attention.
A l’âge de six ans, il aidait son père à tondre la pelouse, tracer les lignes du terrain et nettoyer les sièges de De Meer. Toute personne qui parlait avec lui, pouvait ressentir son amour pour les valeurs fondamentales du football, pour les petites choses qui font de ce jeu quelque chose d'unique. Cruyff respirait le foot par tous les pores, mais il ne le pratiquait pas d'une manière commune.
Il a fait ses débuts à l'Ajax à 17 ans et son impact a été immédiat. Le petit Ajax de cette époque avait trouvé un iconoclaste, un digne représentant d’une époque nouvelle pour le football et pour la société.
Peu de villes ont vécu les années 60 avec autant d’effervescence comme à Amsterdam, où l'explosion de la liberté juvénile a atteint des niveaux mythiques. Bien que Cruyff était plus rebelle que révolutionnaire, ses idées footballistiques se sont inscrites dans un Ajax émergent, passant du statut d’inconnu pour occuper le sommet du football mondial. On attribue son succès à beaucoup de personnes : Rinus Michels, Stefen Kovacs, ainsi que les apports de certains techniciens anglais qui sont passés par le club, comme Keith Stupgeorn et Vic Buckingham. Mais l'influence de Cruyff s’est révélée décisive dès le départ. C’était un joueur qui pensait, qui était obsédé par la tactique, comme il l’avait déclaré aux journalistes vétérans Barend et Van Dorp dans le livre magistral Ajax Barcelone Cruyff, el ABC de un obstinado maestro.
Un véritable prodige
Intuitif et génial, Cruyff observait ce que personne n’était en mesure de regarder autour de lui. Son influence sur les décisions tactiques était au-delà de la normale pour un joueur. A 21 ans c’était un interprète du football pointu et un conseiller essentiel de Rinus Michels. Ensuite, il fallait le voir jouer, un prodige en matière d’agilité et de dynamisme. Mais surtout, un maître dans l'art de la tromperie.
Bien qu’il ait ensuite inspiré le football méthodique qui a caractérisé l’Ajax et le Barça, Cruyff était un enfant de la rue. C’était un homme rusé et créatif, qui avait l’habitude de trouver des solutions que les enfants inventent dans les ruelles. Si quelque chose le définissait, c’était sa capacité à faire le contraire de ce qui semblait être. Une de ses armes favorites était le coup de frein. Cruyff était très rapide, mais moins que ce que l’on pense. Son succès en tant que sprinter résidait dans sa capacité à freiner. Il freinait et ensuite démarrait à grande vitesse au grand désespoir des joueurs qui le marquaient.
Il a remporté trois Coupes d'Europe avec l’Ajax et trois Ballons d’Or. Ses succès étaient innombrables, bien qu'aucun ne mérite plus d’éloges que la destruction du catenaccio comme formule pour dominer dans le football. Les années 60 avec l'Inter de Helenio Herrera et Nereo Rocco à l’AC Milan, ont pris fin lorsque l'imparable Ajax de Cruyff a surgit. Il a perdu la finale contre l’AC Milan en 1969, mais il était clair que le football se dirigeait vers une manière de jouer aux antipodes de celle qui prédominait à l’époque.
L’Ajax a mis un terme au catenaccio des années 60 et a attiré des inconditionnels à travers toute l'Europe. Jamais une équipe avec autant d’audace et de maîtrise n’avait été vue depuis des décennies. En 1974, ce style de jeu a ébloui la Coupe du Monde, où la sélection néerlandaise a atteint des sommets inégalables. La sélection n'a pas gagné le tournoi, mais dans la mémoire collective, les Pays-Bas resteront les champions éternels. Et Cruyff, l’emblème de cette équipe merveilleuse.
Lorsqu'il disputait le Mondial, il était joueur du Barça. Il a été le premier joueur acheté pour la somme de 100 millions de pesetas. Il a rejoint l’équipe alors que la saison avait été bien entamée avec un Barça près de la zone de relégation. Sa venue en Liga a été retentissante. Le Barça ne perdra presque plus jamais un match cette saison là. Le club azulgrana a remporté le championnat avec une facilité troublante. La première année de Cruyff a été égale ou supérieure à ses meilleures saisons à l’Ajax. Son déclin a été évident les années suivantes. Il a quitté le club en 1978 afin de rejoindre le naissant championnat américain.
Le gouvernant
Il n’a jamais cessé d’exercer en tant qu'entraîneur sur le terrain, bien qu’il se rapprochait plus de la charge de gouvernant. Il était toujours fasciné par le pouvoir mais pas par celui des dirigeants. Il était méfiant vis-à-vis d’eux par nature. Il les considérait rarement comme des hommes de football. Ses relations avec les directions de l'Ajax et du Barça n'ont pas été faciles. Après d'excellentes saisons comme entraîneur à l'Ajax, où il a découvert de grands joueurs comme Van Basten et Bergkamp, il a signé pour le Barça. Le club traversait alors une période de confusion grave après la fameuse mutinerie de l’Hesperia.
Le président Josep Lluis Núñez avait besoin de lui pour éteindre le feu. Cruyff avait d'autres plans que d'être un pompier de service. Il voulait installer au Barça des idées qui à cette époque se sont avérées contre-culturelles ou extravagantes selon ses détracteurs. L'une de ses premières signatures n'a pas été un attaquant buteur ou une star. Il a embauché Koeman, un milieu de terrain lourd, rigide, sans vitesse, mais avec un toucher de balle sensationnel. Cruyff proclamait là ses principes.
Il lui a fallu deux années pour convaincre et une de plus pour remporter la Liga. Entre 1960 et 1991, le Barça avait seulement gagné à deux reprises la Liga. En 1991, l'âge d'or du club catalan a commencé. Dans une époque où l’on refusait les ailiers, le Barça les utilisait à fond. A l'âge du double pivot, Cruyff a opté pour un gamin maigre qui allait devenir son manuel sur le terrain. Il s’agissait de Pep Guardiola. Peu à peu, il a organisé une équipe de légende, étrangère aux tendances. Elle a été appelée Dream Team. Il a remporté quatre titres de champion consécutifs et la première Ligue des Champions.
Un jour avant un match contre Valence, qui avait obtenu cinq points d'avance sur le FC Barcelone, Cruyff a annoncé la composition d’équipe. Ce fut un moment essentiel. "Eusebio jouait arrière droit, Koeman dans l’axe de la défense et Witschge sur le côté gauche", a t-il annoncé. Plusieurs joueurs se sont pris la tête entre les mains. Le Barça a gagné 3-0. Guardiola a l’habitude de confesser que ce jour-là il a compris les idées de Cruyff.
Cruyff a quitté le Barça en 1996 mais son héritage a imprégné l'équipe et les gens. Il ne manquait pas de détracteurs en grande partie parce que sa figure dépassait tout autour de lui, y compris les présidents. Au fil du temps il est devenu l’oracle officiel du club, profession qu’il a exercée sans crainte et avec sagesse. Rijkaard a revendiqué son héritage avec deux titres de champion et une Coupe d'Europe mais personne comme Guardiola a assumé l'immense tâche que signifiait transposer l'univers intuitif cruyffiste en un cadre méthodologique.
L’influence de Johan Cruyff est parvenue à son niveau le plus élevé durant l’ère Guardiola, où le cruyffisme a atteint son apogée, couronné également par la victoire de la sélection espagnole lors de la Coupe du Monde 2010. L’héritage de Cruyff est présent 50 ans après sa naissance, interprété par un excellent groupe de disciples - Guardiola, Koeman, Eusebio, Laudrup...- et par la version actuelle du Barca, dont la dette envers Cruyff est sans équivoque.
Source: Marca
Posté par thenewface
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