Array 2004 : Et la lumière revint... - FC Barcelona Clan

Chronique | Histoire | vendredi 29 janvier 2010 à 15:06  | Ajouter aux favoris / Partager  | Email

Cinquième article de la série consacrée à la décennie du F.C. Barcelone (2000-2009). 2004 est l'année du réveil pour le Barça après une léthargie de quatre années.

Barcelone avait terminé l'année 2003 de manière chaotique. Le navire avait été percuté par l'iceberg Málaga (5-1), il avait sombré au Camp Nou contre le Real Madrid (1-2) et, s'il avait semblé quelque peu resurgir des fonds marins à Montjuïc (1-3) malgré trois expulsions, il avait terminé son parcours par une nouvelle mise en échec à domicile contre Vigo (1-1).

Dès lors, l'année 2004 démarrait avec une angoisse palpable. Comment se relancer ? De quelle manière rattraper ce gigantesque retard ? Les joueurs semblant perdus, l'entraîneur se cherchant encore, la direction étant débordée par les questions économiques et également le problème posé par les Boixos Nois, tous les éléments étaient motifs d'inquiétude. Le premier match de l'année avait lieu à Santander. C'était l'occasion de repartir sur des bases positives. Le score fut sans appel et le malaise, de nouveau, sauta aux yeux : 3-0, des joueurs dépassés, semblables à des novices incapables de trouver une issue, une équipe sans aucune cohésion. Et une situation catastrophique au classement. Barcelone est douzième avec 24 points à la mi-saison, à 18 points du leader madrilène.

Ronaldinho

C'est dans ce contexte que Frank Rijkaard, soucieux de trouver la solution pour rééquilibrer son équipe type, demande à la direction de faire venir Edgar Davids, dont le cycle à la Juventus de Turin était bel et bien terminé. Peu après la demande de l'entraîneur néerlandais, son compatriote faisait déjà parti de l'effectif Blaugrana. Pourtant, cette arrivée ne fait pas l'unanimité pour les journalistes, qui attendaient plutôt un buteur capable de concrétiser les fulgurances de Ronaldinho, Kluivert étant sur une pente descendante et Saviola ne bénéficiant que trop peu de la confiance de son coach.

Edgar Davids et Joan Laporta

Étant donné la situation en championnat, les principaux espoirs étaient tournés vers la Coupe du Roi et la Coupe de l'UEFA.

Barcelone affrontait Saragosse en quarts de finales de la Coupe d'Espagne. L'enjeu était important, en cas de victoire, les Blaugrana devaient se mesurer au Real Madrid en demi finales, de quoi redorer leur blason. Mais, comme si cette saison 2003-2004 était irrémédiablement placé sous le signe de la déconvenue, Barcelone était de nouveau défait à domicile (0-1) le 22 janvier, et ne pouvait rattraper son retard une semaine plus tard à Saragosse (1-1). Une désillusion on ne peut plus terrible, d'autant que les catalans avaient battu leurs adversaires en championnat (3-0) quelques jours auparavant, dans un match qui laissait supposer, enfin, un retour à la surface. Comme à son habitude, la presse locale est sans pitié : « Fracaso » titre Mundo Deportivo. Rijkaard est la principale cible des critiques; il n'est pas l'homme de la situation.


Pourtant, en championnat, un match allait finalement devenir l'ébauche de quelque chose de nouveau. Un souffle d'air frais dans le ciel catalan, l'arrivée d'un nouvel espoir. Ce match avait lieu à Séville. Sur le terrain, une nouvelle équipe se dessine. Rijkaard en a fini avec son 4-2-3-1 habituel. Son nouveau dispositif est un 4-3-3 plus équilibré : Cocu, qui jouait jusque là en défense centrale, retrouve un poste de milieu de terrain qui lui convient davantage. Il est épaulé par Edgar Davids, et Xavi, lequel joue désormais dans une position plus avancée, et se trouve mieux protégé dans l'entre jeu. Márquez prend la place de Cocu en défense. Devant, l'attaque dispose d'un nouveau visage. Dans son système initial, Rijkaard s'appuyait sur des ailiers de débordements, jouant chacun du côté de leur bon pied. Désormais, Luis Garcia le gaucher change d'aile et passe à droite. Ronaldinho le droitier est excentré sur la gauche. En pointe, Kluivert conserve son avantage sur Saviola aux yeux de Rijkaard.

Le match à Séville est difficile. Barcelone réussit néanmoins à ouvrir le score, sur une tête de Kluivert reprenant un centre de Luis Garcia. Dans le jeu, Barcelone semble davantage à son aise. Le symbole de ce qui allait être un changement de cap spectaculaire était le sauvetage in extremis de Xavi sur une tête d'Alvés, à la dernière minute. La réussite change de côté, Barcelone semble sortir de la spirale négative de l'année 2003. Après cette victoire, le Barça est septième avec 31 points, à 15 points du Real Madrid, toujours premier. « Rijkaard a enfin trouvé sa place de leader » disent les commentateurs. La remontée fantastique peut alors commencer.


Malheureusement, elle devra se faire sans Kluivert, blessé. Rijkaard n'a plus le choix, il doit s'en remettre à Saviola. Bien lui en prendra. Barcelone renoue avec son public en étrillant Albacete 5-0. Saviola marque, Davids également, mais aussi Luis Enrique, ainsi que Quaresma et Xavi. Le Barça est cinquième.

Carles Puyol

De son côté, Laporta conclut enfin un accord avec la Caixa. L'objectif est de refinancer la dette de 30 millions d'Euros. Sur le terrain, Barcelone s'amuse. L'Atletico est battu 3-1, et Ronaldinho inscrit un but somptueux sur une pichenette. Même Valence ne peut stopper cette nouvelle machine : à Mestalla, les locaux sont défaits par des catalans privés de Davids. Gerard se paie le luxe de marquer contre son ancien club (0-1). Le dépassement des frontières n'est pas non plus pour gêner les hommes de Rijkaard : à Brøndby, en coupe de l'UEFA, Ronaldinho marque un but à lui tout seul. Il frappe le coup-franc, la balle est déviée par la transversale et retombe de l'autre côté de la surface. Le brésilien va lui même chercher le cuir sans que personne ne puisse le contrer, et place une frappe enroulée magnifique qui termine sa course au fond des filets. Chef d'œuvre. Les danois sont de nouveau défaits au retour, et Barcelone rencontrera le Celtic Glasgow en huitièmes de finales.

En championnat, Barcelone est irrésistible. Au terme d'un match épique à La Corogne, les catalans s'imposent 2-3 après avoir mené trois buts à zéro en développant un jeu magnifique. L'astre Ronaldinho marque deux fois, Saviola, terriblement efficace en cette période, est également buteur.


Toutefois, le temps n'est plus aux sourires pour la direction. Laporta est agressé par sept Boixos Nois. Il avait déjà été menacé de mort. Les détenus sont remis en liberté sur une erreur du juge entraînant un vice de procédure. La presse soupçonne un complot de l'ancienne direction ayant encouragée l'agression de Laporta. Cette situation crispante contraste avec la réussite sportive : à domicile contre la Real Sociedad de Xabi Alonso, Ronaldinho offre au public un spectacle d'une rare qualité. Et c'est lui qui, le jour de son anniversaire, permet à son club de remporter une neuvième victoire consécutive en transformant un coup-franc dans les dernières secondes, sous les yeux de sa mère présente dans les tribunes. 1-0. Les dirigeants peuvent ensuite fêter les 24 ans de leur nouveau héros, symbole d'une nouvelle ère qui allait pouvoir commencer. Barcelone est troisième, avec 55 points, à six longueurs seulement du Real Madrid.


Néanmoins, la vague de réussite est stoppée en Coupe de l'UEFA : Barcelone est battu à Glasgow 1-0, Motta et Saviola sont expulsés. Le match retour s'annonce délicat, sans Davids non qualifié, sans Saviola et Motta suspendus, sans Kluivert toujours blessé. Rijkaard fait confiance à Luis Enrique pour occuper la pointe de l'attaque, mais ce dernier, en manque de réussite, est remplacé par le jeune Sergio García, pas plus décisif. 0-0 et une élimination décevante. Ne reste plus que la Liga.

 

Frank Rijkaard

 

Si la série de victoires en championnat va se terminer contre le Villarreal de Sonny Anderson et Riquelme, deux anciens Blaugranas (0-0 au Camp Nou), il ne s'agit nullement d'un coup d'arrêt. Pour préparer un Clásico décisif, Barcelone bat Valladolid et Málaga, le bourreau des matchs aller, avec une insolente facilité. Le Real Madrid a sombré depuis le mois de mars et son élimination contre Monaco en Ligue des Champions. Barcelone a connu la dynamique inverse. Tout est réuni pour que les catalans s'imposent. Et ce match va bel et bien incarner la passation de pouvoir entre les deux clubs. La fin de la période dorée des pré-Galactiques, et le début de nouvelle Dream Team barcelonaise. Victor Valdés offre une prestation de toute beauté. Solari ouvre pourtant le score mais Barcelone, intraitable, en pleine confiance, marque deux fois, par Kluivert et surtout Xavi qui reprend acrobatiquement une passe en louche somptueuse de Ronaldinho. Barcelone est troisième avec 66 points, Valence est premier avec 5 points d'avance. Le Barça rêve du titre. Oui, cela paraissait impossible début janvier, mais Barcelone est dans la course.

 

Ronaldinho et Cocu

 

Côté finances, le temps est aussi à l'optimisme. Les gains (cotisations + billeterie) sont de 54,3 millions d'Euros, soit 14 millions de plus que la saison précédente. Après sa victoire à Santiago Bernabéu, Barcelone s'amuse contre l'autre rival, l'Espanyol de Luis Fernandez. 4-1. Rijkaard aligne de plus en plus un jeune joueur, un certain Andrés Iniesta, à la droite de l'attaque, qui commence à faire parler de lui. Déjà buteur à Valladolid, il remplace Luis García blessé. La fin de saison ne permettra toutefois pas de remporter le titre, Valence assurant sa première place, et Barcelone s'inclinant contre Vigo et Saragosse. Néanmoins, c'est une belle deuxième place, compte tenu des évènements de l'année 2003, que Barcelone accroche tandis que le Real Madrid n'est que quatrième. Le dernier match au Camp Nou est l'occasion de dire au revoir à Luis Enrique, trois ans après le départ d'un autre symbole du barcelonisme, Pep Guardiola.

Luis Enrique

La prochaine saison doit être celle de la confirmation. Beaucoup de joueurs sont annoncés, dont Michael Ballack. Malgré la réussite de l'équipe les mois précédents, un profond renouvellement est envisagé : Rüstü, Reiziger, Cocu (qui ne s'est pas vu proposer autre chose qu'un renouvellement à la baisse), Kluivert, Saviola, Luis Garcia, Quaresma, Davids s'en vont. Luis Enrique et Overmars arrêtent leur carrière. Barcelone réussit à faire venir Deco, star de la saison 2003-2004, mais aussi Giuly, Larsson, les latéraux Belletti et Sylvinho, et Edmílson. Manque un avant-centre. Les noms de Corradi et Viduka sont les plus persistants. Nul ne sait ce qui se serait passé si l'un de ces deux joueurs avait signé plutôt que Samuel Eto'o, finalement lauréat, mais les suppositions ne permettent guère d'enthousiasme, étant donné l'importance qu'a eu le camerounais dans les années qui suivirent. Une nouvelle équipe se dessine alors et, dès le commencement de la saison, elle laisse envisager d'excellentes perspectives.

 

Les recrues en 2004

 

 

Très vite, on comprend que cette équipe tournera plus particulièrement autour de trois joueurs : Ronaldinho, qui démarre la saison presque timidement si l'on compare avec ses démonstrations précédentes, Eto'o, diablement efficace et électrique, et Deco, milieu offensif à Porto venu remplacer Davids dans un rôle d'homme à tout faire du milieu de terrain. Xavi, ayant pris une nouvelle dimension, accompagne ce trio gagnant avec toute sa maestria et sa clairvoyance. Cependant, tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes : Edmílson et Motta se blessent rapidement. Or, ils occupaient tous deux le même poste. Rijkaard est obligé de faire monter Márquez au milieu de terrain. Une concession qui deviendra une bénédiction, le mexicain excellant dans ce rôle. Gabri est lui aussi touché aux ligaments. Plus tard, Larsson subira le même sort. Barcelone composera alors toute la saison avec une équipe réduite (onze titulaire plus Iniesta, essentiellement). Un effectif restreint, mais de qualité. En Ligue des Champions, le Celtic Glasgow sur son terrain ne resiste pas à la fougue des barcelonais (1-3), pas plus que Donetsk (3-0). Même le Milan AC, d'abord vainqueur chez lui dans un match pourtant dominé par les Blaugranas, s'incline au Camp Nou (2-1). Un match revêtant un fort aspect symbolique : ces dernières années, Barcelone ne gagnait pas ce type de rencontres. Cette fois-ci, les catalans s'imposent grâce à leur talent, leur conviction, et sur un coup de génie de Ronaldinho marquant dans les dernières minutes un nouveau but dont il a le secret. Ce soir là, Xavi, jouant dans une autre galaxie, dirige avec brio toute la machine catalane.


 

Deco Samuel Eto'o Ronaldinho

Les matchs de championnat se suivent et se ressemblent. Ni Saragosse (4-1), ni Majorque (1-3), pas plus qu'Osasuna (3-0) ne peuvent contrecarrer les plans de Barcelone. Cette équipe n'a plus aussi bien joué depuis la période où Cruyff la dirigeait. L'élimination contre Gramenet – l'ancienne équipe d'Oleguer - en Coupe relève quasiment de l'anecdote. Rijkaard se permet même, contre Numancia, de lancer une composition privée de milieu défensif et composée de Xavi, Deco, Ronaldinho au milieu de terrain, et Giuly, Larsson, Eto'o devant. Un choix qui ne paie pas mais la victoire est là : 1-0. Le premier arrêt, juste avant le match contre le Real Madrid (une défaite 2-1 contre le Betis Séville) n'est qu'un accident. Le Clásico approche et il est une nouvelle occasion de démontrer la supériorité du onze de Rijkaard. Au terme d'un match magnifique, le Real s'incline 3-0, avec à la clef un but « parfait » de van Bronckhorst grâce à une superbe action collective en pleine surface de réparation. La blessure de Larsson est l'ombre au tableau. En cette période de novembre - décembre, le Barça est presque injouable. Málaga en fait également les frais (4-0).

 

Henrik Larsson

Survient alors un coup de moins bien : Barcelone oublie quelque peu son jeu. La victoire à Albacete est difficile (1-2) et doit sa réalisation avec un coup de maître de Xavi, auteur d'une reprise de volée parfaite. Mais le succès est toujours là. La presse déclare « le Barça gagne quand il joue, il gagne quand il joue mal, et il gagne encore quand il ne joue pas du tout ». En Ligue des Champions, la qualification est assurée. Rijkaard envoie une équipe Z à Donetsk, défaite malgré la première titularisation d'un jeune joueur argentin qui allait quelque peu faire parler de lui les années suivantes.


On le sent, cette équipe peut réussir quelque chose. Le talent, la complémentarité, la cohésion, la jeunesse, laissent présager un avenir radieux. Si les nombreuses blessures entraînent la direction vers le choix du recrutement, l'équipe type est déjà bien en place et indéboulonnable. Un milieu défensif est attendu : Rijkaard veut Tacchinardi, Laporta préfère Dacourt. Ce sera Albertini. Un attaquant de substitution doit remplacer Larsson. Maxi López tient la corde.


Quoi qu'il en soit, le temps est à l'engouement, la lumière continue de briller. Cette année 2004, faite de beau jeu, de victoires, est une ode à l'optimisme. Mais il manque toujours un titre.

 


Posté par Adrien
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